2 juillet 2023

Kimpa Vita, la lueur d’une ombre

À une époque où le mysticisme battait encore son plein en Afrique, une femme a défié le sort : Kimpa Vita. Dotée d’une nature mystique, elle a vécu aux alentours des années 1684-1706 et s’est révélée être une prophétesse accomplie, reconnue par l’histoire comme la mère de la renaissance africaine. Cet article vous emmène dans un voyage à travers le temps, plongeant au cœur des événements pour retracer l’histoire poignante d’une femme qui est restée méconnue pour certains et mal connue pour d’autres. Voici une fresque de son épopée.

Une femme qui a défiée la mort
Une création artistique d’un adepte du mouvement éveil spirituel négro-africain VU.VA.MU

Une fille ordinaire vouée à un destin extraordinaire

Liée à l’histoire du royaume Kongo où elle vit le jour, Kimpa Vita (dont le nom signifie « instrument de guerre ») ressent dès son jeune âge une profonde consternation face aux coups du sort qui s’abattent sur son peuple. Consciente de la nécessité de réagir au chaos qui mine le royaume, elle s’incarne en phare de lumière pour éclairer les esprits et leur faire entendre à la raison. Comment tout cela a-t-il commencé ? Née dans une famille noble du royaume Kongo* entre 1684 et 1686, rien ne semblait prédestiner cette jeune femme à devenir le symbole de la révolution.

*Le royaume du Kongo, situé dans ce qui correspond aujourd’hui aux territoires du nord de l’Angola (y compris le Cabinda), du sud de la république du Congo, de l’extrémité occidentale de la république démocratique du Congo et du Sud-ouest du Gabon, était à la fois un royaume et un empire d’Afrique centrale.

La véritable Histoire de Yaya VITA KIMPA [1685-1706] : Livre Audio Complet

Elle fut baptisée alors qu’elle était encore très jeune, sous le nom de Dona Beatriz. À cette époque, la majorité du peuple Kongo était déjà de confession catholique, grâce à l’arrivée des missionnaires portugais en 1491. Usant de stratégies bien concoctées, ils étaient même parvenus à baptiser le roi lui-même, le poussant à abandonner son nom Nzinga a Nkuvu au profit du nom du roi portugais Jean Ier. Cet événement marqua un tournant irréversible, et la guerre était déjà perdue d’avance, car il n’y avait aucune réciprocité. Le mal était fait. Selon la logique spirituelle, en prenant le nom du roi portugais, celui-ci aurait dû faire de même en s’appelant Nzinga a Nkuvu à son tour. Pour ceux qui l’ignorent, Nzinga a Nkuvu se traduit en français par « la corde qui tient le pouvoir« . Le nom de chaque être vivant émet des vibrations qui s’harmonisent avec la nature… Mais bon ! Ce sujet sera abordé dans un autre article à l’avenir.

Sachant que le Kongo était d’ores et déjà affaibli, les portugais ôtent les masques et enveniment les relations avec le royaume Kongo. Il s’en est suivi le commerce des esclaves et l’affaiblissement du pouvoir en place. C’est dans ce contexte assombrit par des conflits que Kimpa Vita grandit.

Le portrait de Kimpa Vita le plus populaire.
Crédit : Wikimedia Commons

Elle revient d’entre les morts

À peine adolescente, Kimpa Vita est assaillie par une série de visions, éveillant sa curiosité grandissante pour tout ce qui concerne la spiritualité. Rapidement, les gens commencent à la considérer comme une « nganga marinda » (une sorte de médium), capable de servir d’intermédiaire entre le monde des hommes et celui des esprits. Sa force de caractère et sa différence par rapport aux autres filles de son âge conduisent à son initiation au culte kimpasi, une secte pratiquant l’exorcisme.

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Les congolais ont la mémoire courte

D’après de nombreux écrits, on raconte que Kimpa Vita fut frappée par la mort et qu’elle se rendit dans le monde des esprits pour y être investie d’une mission. Trois jours s’écoulèrent, et dans un désespoir profond, on se prépara à son enterrement. Cependant, à la grande surprise de tous, elle revint miraculeusement d’entre les morts. Personne ne pouvait en croire ses yeux. Kimpa Vita commença alors à enseigner à tous ceux présents lors de ses funérailles. Une fois rentrés chez eux, ils répandirent la nouvelle d’une femme qui avait été morte puis, par une force inexpliquée, ressuscitée d’entre les morts trois jours plus tard.

Ne Kunda Nlaba nous présente son film « Kimpa Vita, la Mère de la Révolution Africaine ».

Poussés par la curiosité, les gens se rassemblaient pour écouter le message de celle qui avait défié la mort. Peu après, un vent d’éveil souffla sur le Kongo. Dotée d’une nature mystique, dès l’âge de 20 ans, Kimpa Vita commença à prêcher, associant son salut personnel au salut de tout le royaume. Les conseils de son père se résumaient en ces mots forts de sens :

« Les morts, l’histoire des ancêtres éclaire la conscience des vivants et illumine le chemin qui mène à la liberté. »

Kimpa Vita : Une résistante kongo, Henri Pemot
Une statue érigée à son honneur en Angola.
Crédit : Wikimedia Commons

Sa mission de vie

Elle s’efforça de perfectionner son propre enseignement, en interprétant les dogmes chrétiens avec ses propres arguments. Les foules, provenant aussi bien de la bourgeoisie que du peuple, se mobilisèrent et se rallièrent à la prophétesse pour faire entendre son message dans tout le royaume. Elle établit ainsi son propre courant religieux et politique, connu sous le nom de mouvement antonianiste. Ce mouvement syncrétique cherchait à marier la spiritualité kongo et la religion catholique. Les récits rapportent qu’en quelques mois seulement, plus de 80 000 adeptes s’étaient déjà ralliés à sa cause. Sa popularité croissante suscitait des inquiétudes parmi les prêtres capucins.

« Cette ascension rapide s’explique par la certitude, largement partagée, que le Dieu chrétien répond enfin à la longue attente angoissée des gens de Kongo »

Georges Balandier

Brûlée vive le 02 juillet 1706

En défiant continuellement les clergés en place et en révélant sa propre vérité, elle se retrouva dans le viseur de l’Église catholique, devenue une menace potentielle à éliminer avant qu’elle ne rallie tout le royaume à sa cause. Jugée à tort et accusée d’hérésie par les missionnaires capucins, le 2 juillet 1706, sous les ordres des hommes sans foi ni loi, les Pères Lorenzo da Lucca et Bernardo da Gallo, elle fut brûlée vive avec son nourrisson attaché sur le dos, sur un bûcher ardent, après avoir subi de multiples séances de torture. Malgré la souffrance atroce, elle accepta de subir le martyre tout en refusant catégoriquement de renoncer à la lutte à laquelle elle s’était investie corps et âme, espérant ainsi montrer la voie à son peuple. Dans un courage inébranlable, même submergée par une douleur insoutenable, elle continua à s’exprimer avec le même franc-parler qu’auparavant :

« L’Étoile de la Promesse est descendue sur le Kongo ! C’est ainsi que les gens qui étaient dans les ténèbres ont vu une grande lumière. Ceux qui étaient plongés dans le mensonge ont trouvé la vérité sur dans la Mystique Kongo. Ceux qui étaient esclaves de la peur sont devenus de vaillants soldats. C’est la raison pour laquelle les ennemis du Kongo ont peur ! Oui, les ennemis du peuple Kongo tremblent de peur parce que les brebis du Kongo se sont transformées en lions en vue de la guerre pour la libération du Kongo... »

Précision de taille : le passage du temps n’a en rien réussi à effacer son empreinte des esprits des vivants, car son souffle prophétique continue d’inspirer, même à l’instant précis où j’écris ces lignes, femmes et hommes à travers l’Afrique et le monde.

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