Ce que la mort m’a pris et m’a appris

Article : Ce que la mort m’a pris et m’a appris
Crédit: Agano's work
5 juin 2023

Ce que la mort m’a pris et m’a appris

À l’occasion de cette date fatidique —05, Juin– tâchée par le départ de mon preux père dans l’autre monde, j’ai pris la peine de briser mon silence et prendre sérieusement le temps de réfléchir à fond sur ce qu’est la mort —au sens propre et au figuré. Espérant dans un sens, appaiser mon âme et mon esprit. Et dans l’autre, éclairer les lanternes de ceux qui ignorent encore le sens caché qui est voilé derrière ce mystère ( la mort). Même si c’est avec des paroles qui frôlent la folie, je suis tout de même parvenu à laisser libre cours à mes pensées sans pour autant perdre le sens logique de mes phrases ni trahir mes convictions les plus profondes.

Un fatalisme qui transcende les cultures

D’entrée de jeux, il sied de préciser à quel point la plupart des gens croient en la mort. D’autres par contre en doutent. Et certains autres estiment qu’elle n’existe pas à proprement parler. C’est loin d’être facile de trancher la question pour savoir qui aurait raison. Toutefois, une question s’impose à ma plume — ou du moins à mon esprit : dans quel rang est-ce que je me range ? Je ne saurais le dire. Ou peut être je n’ai simplement pas envie de me prononcer là dessus pour l’instant. Mais une chose reste certaine : trop des doutes planent autour de ce concept que les philosophes se contentent d’appeler : le plus grand échec existentiel. Et que les poètes espérant apaiser la peine du genre humain l’appellent : l’après-vie.

La famille recueillie autour de la tombe de mon père. Crédit photo : Agano’s Work

Un petit saut dans le passé

De toute ma tendre existence, une date symbolique est restée gravée au fin fond de mon être : le 05.06.2015. Elle symbolise la renaissance de mon père —un homme convaincant et convaincu— dans l’autre monde. Je me rappelle qu’avant cette surprise malencontreuse, je croyais encore que les gens vivaient sans qu’ils ne meurent. Je n’avais, jusqu’à ce temps-là, pris la mort au sérieux. Croire qu’un jour ou l’autre, il me quitterait, ce n’était pas envisageable. Et à dire vrai, je n’y avais jamais pensé. Jusqu’à ce matin-là où, pour moi, tout a changé. Je l’admets : le monde avait arrêté de tourner. Et s’il tournait, c’est qu’au fond de moi, je n’avais plus cette impression là. J’avais, ce jour-là, senti et surtout comprendre la dureté de l’existence.

Tout ce qui avait un sens dans mon monde l’avait perdu en un rien de temps. J’avais dès lors d’autres priorités. Tourner mon esprit vers des idées sérieuses et profondes. Je ne sais pas si je devais vraiment le dire mais je le dis en bonne conscience : je voyais bien des gens fondre en larmes mais, moi je n’avais pas le temps à perdre en s’apitoyant sur mon sort. Je n’ai jamais compris ( et je ne comprendrai sûrement jamais ) pour quelle raison l’on pleure un disparu s’il va dans un monde qui est soi-disant mieux que le nôtre, comme le veut la logique chrétienne. Je ne mesurais guère la tournure que prenaient les évènements.

La famille entrain de partager un verre. Crédit photo : Agano’s Work

Ce que je crois

Plongé dans mon monde, il se peut que je croyais et que je crois encore ( non sans raison ) que les morts continuent de vivre en ce monde. Ce qui me taraudait l’esprit c’était surtout ses derniers mots. Tout ce qu’il me disait sans que je ne comprenne ce qui se passait ou ce qui, dans si peu, devait arriver : l’inévitable. Si c’était à refaire, je lui aurais mieux prêté oreille afin de creuser jusqu’au fond de son raisonnement. Les griots savent lorsque leur départ est proche. Mieux, lorsqu’ils se sentent presqu’au bout du couloir de l’irréparable. De par les mots qui avaient précédés son départ, je le confirme d’emblée qu’il avait l’air de savoir déjà qu’il allait rejoindre nos Ancêtres-Fondateurs dans l’autre monde. Un autre monde mais qui, à proprement dire, n’est autre que ce même monde dans lequel l’on vit.

Une dance mémorable entre mon père et ma mère.

A mon sens, l’homme est sa pensée, et la pensée est l’esprit. Ceci étant, l’homme est un esprit. Et comme personne ne l’ignore : l’esprit est immortel. Ceci pour dire que, si l’homme existe en tant qu’esprit, la mort au sens vrai du mot n’existe pas. Elle n’existerait qu’au sens ivre du terme. Parce que l’homme est toujours là, mais quelque part ailleurs et sous une autre forme. Précision de taille : On ne meurt jamais. La vie, on ne la perd pas. On quitte juste le visible vers l’invisible. C’est quelque chose qui dépasse l’entendement mais je n’ai jamais eu, si mes souvenirs ne me trahissent, les larmes aux yeux à cause du départ de mon père. Mis à part celles qui coulaient au dedans de moi bien sûr. Je me suis longtemps demandé le pourquoi mais, par la force du temps, je crois savoir la raison : je ne crois pas à la mort au sens populaire du terme.

Moi-même entrain de rédiger cet article.

Même s’il n’existe plus, je crois qu’il est (Sachant qu’exister ne pas synonyme d’être et inversement). Comme on nous l’avait laissé croire en philosophie, « la mort est un passage du niveau de l’être, vers un autre niveau de l’être. » Peu importe. Je ne fais pas de la philosophie moi, je pense c’est tout. J’aime à penser que mon père n’est jamais mort. Il n’est plus là, mais il est là. Je le dis en d’autres mots : il n’est plus là car on ne peut pas le voir mais il est là parce-que l’on peut le percevoir autrement. Si on n’en doute pas. J’ai en moi et tout autour de moi, la grandiose impression de sentir sa présence. Il est, on dirait à juste titre, présent-absent et absent-présent. Telle est ma plus profonde conviction. Ce en quoi je crois. Il est cependant vrai que je ne le vois point, pour ne pas me prendre pour un mystique. En revanche, je sens sa présence à chaque pas que je fais. À chaque souffle que je respire.

Un portrait de mon père et ma mère à une certaine époque.

Panser nos peines et guérir grâce à la résilience

À la base, la résilience était un terme très utilisé en physique et en ingénierie employé lorsque l’on prenait un élément et qu’on le déformait, qu’on l’allongait en le transformant mais qu’il reprenait sa forme initiale. À force du temps, le mot a été repris à bon escient par des spécialistes américains de la petite enfance. Dans la foulée, le célèbre psychiatre français Borys Cyrulnik qui, à son tour a repris la même expression en signifiant qu’on n’est pas totalement soumis aux événements qui nous fracassent.

Nous avons, peu importe la situation, un degré de liberté pour comprendre ce qui va nous permettre un autre degré de développement en agissant sur le milieu qui agit sur nous, bien que notre liberté ne soit pas totale. Pour tout dire en quelques mots : la résilience consiste à savoir comment reprendre un autre développement après une certaine agonie psychique en se débattant afin de se mettre dans une position où l’on pourra revivre le moins mal possible. Si l’on en croit les psychiatres

La vie est 20% de ce qui nous arrive et 80% comment vous y réagissez.

Caroline CODSI

PS : la plupart de ces idées émises dans cet article proviennent de mon livre : Une douteuse existence.

Boris Cyrulnik expliquant la théorie de la résilience lors d’une conférence.

Pour ma part, toute ma vie retrouve son plein sens dans la résilience. En ce sens que, je
fais tout ce qui est humainement possible afin de voir tout —ou presque —
en rose même lorsque je traverse des moments plus
sombres. C’est pourquoi je vous invite si vous tenez à votre bien-être (et c’est sur que c’est le cas) de bien vouloir faire de même.

Pour couronner le tout : la mort m’a pris mon père mais m’a appris que ce n’est pas une fin en soi. Que c’est le début d’une autre réalité existentielle. Qu’à partir de là je pourrais afin de compte prendre la vie au sérieux et reprendre ma vie en main. Que par-delà tout, c’était le moment idéal pour me poser sérieusement la question sur ma raison d’être sur cette terre des hommes et comprendre ma mission de vie comme tout autre homme du monde. Nul n’est sans savoir qu’

Il y a en chaque être humain quelque chose d’unique qu’il apporte au monde, et sans lequel le monde ne serait pas complètement ce qu’il est.

Alain Houel
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